Des figures et graphiques compréhensibles, c’est aussi une question de couleurs

Le choix des couleurs dans les figures et graphiques scientifiques est souvent négligé, alors qu’il peut avoir un impact significatif sur la compréhension et l’interprétation des résultats. Trois études récentes soulignent l’importance d’utiliser des palettes de couleurs conçues scientifiquement pour visualiser les données de manière précise et universellement accessible.

Des palettes inadaptées qui déforment les données

Une étude publiée dans Nature Communications en 2020 révèle que certaines cartes de couleurs couramment utilisées, telles que l’arc-en-ciel, peuvent entraîner une déformation visuelle des données allant jusqu’à 7%. De plus, ces palettes rendent souvent l’information illisible pour les personnes daltoniennes, excluant ainsi une partie importante du public scientifique.

Un problème répandu en chimie

Dans le domaine de la chimie, la situation semble particulièrement préoccupante. Une étude publiée dans Angewandte Chemie International Edition en 2022 montre que plus des deux tiers des articles dans les principales revues de chimie contiennent des figures dont l’information n’est pas accessible aux personnes daltoniennes. Les auteurs soulignent les problèmes liés à l’utilisation de combinaisons de couleurs courantes : « Le principal problème avec cette combinaison de couleurs, et avec de nombreuses autres, réside dans le manque de différence visuelle entre au moins deux de ces couleurs pour les personnes ayant une perception des couleurs réduite » (trad. libre).

Vers des palettes conçues scientifiquement

Face à ces constats, la communauté scientifique est appelée à adopter des palettes de couleurs visuellement uniformes et accessibles à tous. Une étude publiée dans Current Protocols en 2024 fournit des principes directeurs et des ressources pratiques pour choisir et utiliser des palettes de couleurs adaptées dans les figures scientifiques. Ces palettes, conçues sur une base scientifique, présentent plusieurs avantages :

  • Elles permettent de représenter fidèlement les données sans introduire de biais visuel.
  • Elles sont accessibles aux personnes daltoniennes.
  • Elles améliorent la lisibilité et la compréhension des figures pour tous les lecteurs.

Recommandations pour les équipes de recherche

Pour améliorer la qualité et l’accessibilité de leurs visualisations, les équipes de recherche sont encouragées à :

  1. Vérifier l’accessibilité de leurs figures pour les personnes daltoniennes.
  2. Éviter les combinaisons de couleurs problématiques, telles que rouge-vert-bleu.
  3. Privilégier des palettes déjà validées.

 

Cependant, comme le soulignent Crameri et al. (2024), l’adoption de ces bonnes pratiques reste un défi : « L’ignorance (« J’aime simplement les couleurs ! »), la passivité (« Je ne veux pas me donner la peine de changer les paramètres par défaut ! »), la tradition (« J’utilise ce que mon mentor utilise ! »), et la personnalité (« Je ne veux pas écouter le raisonnement scientifique ! ») ont conduit à une utilisation inappropriée généralisée des couleurs dans la communauté scientifique » (trad. libre).

Outils et ressources

Voici quelques outils utiles pour créer et tester des palettes de couleurs accessibles :

  • ColorBrewer : Un outil pour créer des palettes de couleurs adaptées aux cartes et aux visualisations de données.
  • Viz Palette : Un outil pour tester l’apparence des palettes de couleurs  en fonction des différents types de daltonisme.
  • Coblis : Un outil permettant de visualiser ces graphiques comme les verrait une personne daltonienne.
  • S-ink : Un site qui propose une collection de graphiques combinant rigueur scientifique, qualité visuelle, accessibilité et gratuité, fournissant des ressources graphiques fiables et utiles à la communauté scientifique.

Figure 1 : Guide pour choisir la bonne carte de couleurs scientifique. Ce guide, inclus dans l’article de Nature Communication, aide à sélectionner la carte de couleurs scientifique appropriée en fonction du type de données à représenter, en posant une série de questions clés sur la nature des données et les besoins de visualisation.

Guide pour choisir la bonne carte de couleurs scientifique.

Le mot de la fin

Ces études constituent une lecture essentielle pour toutes les personnes soucieuses de communiquer leurs résultats de manière précise et inclusive. En adoptant ces bonnes pratiques, la communauté scientifique peut améliorer significativement la qualité et l’impact de sa communication visuelle. 

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Références :
Crameri, F., Shephard, G.E. & Heron, P.J. The misuse of colour in science communication. Nat Commun 11, 5444 (2020). https://doi.org/10.1038/s41467-020-19160-7
Kaspar, F., & Crameri, F. (2022). Coloring Chemistry—How Mindful Color Choices Improve Chemical Communication. Angewandte Chemie International Edition, 61(16), e202114910. https://doi.org/10.1002/anie.202114910
Crameri, F., Shephard, G. E. & Heron, P. J. (2024). Choosing Suitable Color Palettes for Accessible and Accurate Science Figures. Current Protocols, 4(8), e1126. https://doi.org/10.1002/cpz1.1126

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